
Dans la métropole européenne de Lille, la distribution de l’eau aux usagers est gérée par l’entreprise privée Iléo depuis 2016. Plusieurs partis de gauche comme Les Écologistes et la France Insoumise s’opposent à cet état de fait et militent pour le passage à une régie publique de distribution de l’eau et pour la remunicipalisation.
Halles aux sucres à Lille, le 22 novembre dernier, Gabriel Amard, député France Insoumise (LFI) de Villeurbanne dans le Rhône, sur une estrade, poing brandi, interpelle son auditoire : « Veolia vous fait les poches ! ». Entouré du député local Aurélien Le Coq et de la parlementaire européenne Emma Fourreau, pendant une heure, dans cette salle aux murs de briques, prenant des accents de tribun, il énumère tous les dangers que représente pour lui la gestion privée de l’eau.
Selon des statistiques officielles, en France presque un tiers des services d’eau potable sont gérés en délégation ou concession de service public au privé. Ils approvisionnent 60 % de la population. Dans ce système, la gestion de la distribution de l’eau, c’est-à-dire l’acheminement de l’eau depuis les usines de production vers les consommateurs, est gérée par une entreprise privée. L’exécution de ce service lui est confiée par une collectivité locale par le biais d’un contrat. Cependant, « ce n’est pas une privatisation » explique Gabriel Amard, lors de sa conférence, puisque les collectivités restent propriétaires des réseaux.
La réunion publique de la France Insoumise en novembre n’est pas la première du genre. C’est la quatrième étape de la « tournée nationale pour la gestion publique de l’eau » organisée par la France Insoumise qui va durer jusqu’en juin 2025 autour du Manifeste pour la gestion publique de l’eau écrit Gabriel Amard. Le député défend depuis des années la gestion publique de l’eau par l’intermédiaire d’une régie gérée directement par la collectivité locale. Ce livre n’est pas le premier qu’il a écrit sur le sujet. Il en a publié quatre depuis 2010. Le dernier est pensé comme un manuel à destination des militants prêts à partir conquérir des mairies. Gabriel Amard l’affirme : traiter du sujet de l’eau, « c’est une occasion de lutter contre le capitalisme de notre temps, mais aussi d’entrer dans la bataille des municipales ». L’eau est un thème central de la pré-campagne des Insoumis qui estiment avoir des chances de victoire dans plusieurs villes de la métropole européenne de Lille (MEL) : Lille déjà, mais aussi Roubaix, Tourcoing ou encore Villeneuve-d’Ascq. La gestion des communs -comme l’eau- par des régies publiques fait partie des neufs « garanties programmatiques » du mouvement de gauche radicale pour les élections municipales de 2026.
De nombreuses municipalités ont franchi le pas de la remunicipalisation de l’eau ces dernières années : Paris en 2009, Rennes, Digne-les-Bains, Bordeaux et Lyon en 2023 ou encore Montreuil, Pantin et d’autres communes de l’Est parisien. Des collectivités de différentes tailles partout sur le territoire ont opté pour le public alors que leurs services d’eau potable étaient gérés par le privé. Dans un article publié en 2023, les économistes Alexandre Mayol et Stéphane Saussier[1] parlent même d’une nouvelle tendance à la remunicipalisation des services des eaux. Entre 2020 et 2021, les services des eaux de 2,5 millions de Français sont passés en gestion publique.
Alexandre Mayol, maître de conférences en économie à l’Université de Lorraine et spécialiste de la tarification de l’eau potable, détaille : « C’est une tendance très française qui se manifeste globalement dans les grandes villes. Souvent, c’est marqué politiquement, plutôt à gauche. Il y a un mouvement de fond qui touche la plupart des communes ». Cette tendance influence même le prix de l’eau dans les villes où elle est gérée par le privé notamment dans les plus grandes villes. Il explique : « Comme la menace de revenir en régie publique est crédible, le privé s’aligne en termes de prix ». Au point qu’au niveau des prix, « il y a peu de différence entre privé et public dans les villes de 15 000 habitants ».
La MEL et la gestion privée de l’eau : une histoire compliquée
La venue de Gabriel Amard à Lille n’est pas un hasard. Dans la majorité des communes (66 sur 95) de la MEL (métropole européenne de Lille) la distribution de l’eau est confiée à un acteur privé. C’est Veolia par l’intermédiaire de sa filiale Iléo qui assure cette mission depuis 2016. Son contrat a été renouvelé pour dix ans à partir de 2024. C’est l’un des gestionnaires qui distribuent l’eau au plus d’usagers en France. En 2023, l’entreprise desservait 328 551 abonnés (soit plus d’un million d’habitants).
La MEL a une histoire compliquée avec la gestion privée de l’eau. En 2016, le contrat avec Eaux du Nord, filiale de la Lyonnaise des Eaux, qui gérait l’eau dans la métropole, prend fin sur fond de conflit au sujet d’un fonds de travaux. Un fond abondé régulièrement pour financer le renouvellement et l’entretien du réseau. Mais ces investissements n’ont jamais été faits. Pourtant, la MEL a choisi de continuer avec le privé, Veolia cette fois.
Stéphane Baly est candidat à la mairie de Lille en 2026 pour Les Écologistes. Le groupe écologiste de la MEL, dont il est membre, est le seul groupe à s’être opposé à cette concession au privé d’un service public. Il dénonce : « Pour justifier le fait que la distribution reste dans le giron du privé, il avait été dit que la gestion et la facturation ne s’improvisaient pas, et qu’une collectivité locale comme la MEL n’avait pas les compétences pour les gérer. ».
Autre argument pour les défenseurs du privé, l’une des conclusions d’un rapport de 2021 effectué pour la MEL sur le choix du mode de gestion. D’après ce rapport, la différence de prix entre gestion privée et gestion publique serait de moins d’un centime par mètre cube d’eau sur la part opérateur c’est-à-dire la part qui revient au gestionnaire. Aussi, comme la mise en place d’une régie publique n’a pas été préparée, « le recours [à un opérateur privé] comporte des avantages indéniables » conclut le rapport.
À l’occasion du renouvellement du contrat avec Eaux du Nord, en 2015, deux entreprises seulement étaient candidates lors de l’appel d’offres : le groupement sortant Eaux du Nord, et Veolia. À l’époque, selon une source proche du dossier, l’offre d’Eaux du Nord était apparue complètement « décalée » surtout au vu de ses années « d’expérience du terrain ». Une impression confirmée à la lecture du compte-rendu d’une délibération du conseil métropolitain en 2015. On y lit que des « non-conformités substantielles [entachaient] l’offre du groupement Eaux du Nord –Lyonnaise des Eaux » et faisaient « obstacle » à ce que soit évaluée sa conformité « aux exigences du cahier des charges ». L’offre a d’ailleurs été rejetée très rapidement. Eaux du Nord disqualifiée restait Veolia, seule en course. Il était alors impossible pour la MEL de faire jouer la concurrence et d’obtenir d’une meilleure offre. D’autant plus que l’option de la régie publique avait déjà été mise de côté.
L’opposition public-privé, aussi bien politique et idéologique que scientifique
La question du nombre de candidats aux appels d’offres de la MEL n’est pas anodine. Selon les défenseurs de la concession de service public, c’est la concurrence entre les différents acteurs privés qui doit faire baisser le prix de l’eau potable pour les usagers. Or, s’il n’y a qu’un seul concurrent, le raisonnement tombe à l’eau.
La concurrence est aussi inhérente à ce secteur qui a des spécificités techniques et économiques. Pour être plus précis quel que soit la commune ou la collectivité, la distribution d’eau est toujours gérée par un seul acteur. C’est une des particularités du marché de l’eau. Comme l’explique l’économiste Alexandre Mayol, « on parle de monopole naturel, il y a forcément un seul opérateur qui opère en monopole, puisqu’il n’y a qu’un seul réseau d’eau ». Il peut être public ou privé et dans le cas de la France « il doit être remis en concurrence de manière périodique ». C’est pour cela que de façon régulière, à chaque fin de contrat, la collectivité doit faire un appel d’offres. Elle met en concurrence un scénario de régie publique et un ou plusieurs opérateurs privés. Si la collectivité n’opte pas pour l’option de la régie publique, elle doit faire un choix entre plusieurs offres privées. Pour cela, elle fixe des objectifs de tarification, d’efficacité, de qualité d’eau, etc. que l’opérateur devra respecter. Après avoir reçu les offres, elles sont évaluées et après négociations, la « meilleure » est choisie.
Problème, pour l’eau, il existe très peu d’acteurs privés. Les principaux sont Suez (qui s’est récemment séparé de son activité eau), Veolia ou la Saur. Au point que Gabriel Amard évoque une « fausse concurrence » et que Stéphane Baly évoque un « oligopole ». Alexandre Mayol l’admet : « La question de la concentration du marché est une question qui se pose ». Il ajoute : « Surtout qu’en général il y a moins de deux entreprises qui candidatent dans les petites communes ». Lors de la procédure d’appel d’offres de la MEL lancé en 2021 pour le renouvellement du contrat à partir de 2024, trois entreprises se sont porté candidates : Veolia, Suez (héritière de la Lyonnaise des Eaux) et la Saur.
Au centre du débat : le prix
Les questions de concurrences sont au cœur du débat parce qu’au centre des discussions entre les différentes parties prenantes se trouve le prix ou le tarif de l’eau. L’interrogation qui revient sans cesse est de savoir combien les usagers devront payer leur facture d’eau. Lors de toutes ses interventions, Gabriel Amard a un mantra : il explique point par point pourquoi selon lui, la gestion de l’eau par le public coûte moins cher aux usagers que le privé. Il recense six facteurs qui alourdissent la facture lorsque le gestionnaire est un acteur privé. D’abord, lorsque le gestionnaire est privé, sa masse salariale inclut « les directeurs commerciaux et régionaux » du groupe privé dont les émoluments sont « répercutés sur la facture des usagers ». Il affirme qu’ « en gestion publique la masse salariale ne contient que le savoir-faire des techniciens et des agents qui se consacrent à la bonne marche du service ». Selon cette logique, à Lille, les cadres de Veolia sont payés en partie par les factures des Lillois. Autre coût répercuté par les gestionnaires privés : « La contribution aux organes centraux, ou remontée financière à la maison mère », comme les dividendes, qui « n’existent pas en régie publique ». En d’autres termes, les filiales comme Iléo versent des frais de siège à la maison mère. Aussi, alors qu’une régie ne paye ni impôts locaux ni impôts sur les sociétés, le délégataire privé s’en acquitte bien et les « répercute sur la facture de l’usager à titre de charges » explique le député de Villeurbanne. Dernier argument comptable : la durée d’amortissement. Selon Gabriel Amard, lorsqu’un gestionnaire privé effectue des travaux, il les amortit sur la durée de son contrat, alors qu’ils sont amortis sur la durée d’utilisation par un gestionnaire public. Il explique : « Si un prestataire privé remplace un tuyau, il étalera le coût des travaux sur ses 20 ans de contrats. Si c’est une régie publique, elle étalera le coût sur la durée de vie du tuyau : 80 ans par exemple ».
L’eau paye l’eau Ce prix de l’eau qui fait l’objet de tant de débats est déterminé en France par le principe de « l’eau paye l’eau ». Les factures d’eau ne peuvent financer que la production, la distribution et le traitement de l’eau. Tous les revenus de l’eau ne peuvent servir qu’aux dépenses liées à l’eau. Par exemple, dans une collectivité comme la MEL, les impôts locaux peuvent financer tout type de service, mais les factures d’eau ne peuvent financer que les dépenses liées à l’eau. Il y a une séparation stricte du budget de l’eau avec celui de la commune ou de la collectivité. Le prix de l’eau dépend donc de la collectivité où se trouve l’usager. |
L’économiste Alexandre Mayol nuance les constats du député, « tous ces frais-là sont amortis à l’échelle d’un groupe mondial ». Les frais facturés par les groupes privés peuvent être justifiés la « présence d’un ingénieur de l’eau par région plutôt que par service comme dans une régie », par exemple, « il n’y a pas forcément quelqu’un qui travaille à plein temps pour une collectivité ». La gestion publique peut, elle aussi, être à l’origine de surcoût en ayant recours à des « sous-traitants », par exemple. Il rappelle également que ces filiales privées sont incitées à « faire des économies » pour augmenter les profits du groupe auquel elles appartiennent.
L’économiste Alexandre Mayol alerte sur les dangers du « moins-disant ». Chercher à tout prix le moindre coût et donc à baisser le prix serait dangereux parce qu’il faut « financer l’eau ». Il ajoute : « Il faut financer les investissements et réparer et entretenir le réseau ». Pour l’économiste, baisser le prix n’est pas forcément la bonne solution. Le prix ne doit pas être le seul élément de comparaison entre les différents modes de gestion.
Les économistes restent partagés
D’autant plus que les conclusions des économistes ne sont pas unanimes sur l’effet du mode de gestion sur le prix. Plusieurs études scientifiques ont tenté d’évaluer l’impact du choix entre public et privé sur le tarif de l’eau. Un article de 2014 montre que la gestion publique est plus efficace que la gestion privée[1]. Un autre que les communes en gestion privée ne payent pas vraiment plus chère que si elles étaient en régie publique[2]. Une étude de 2006[3] effectuée sur 5 000 services des eaux en France conclut que les habitants des communes dont l’eau est gérée par un acteur privé payent plus cher que ceux des communes dont l’eau est gérée par une régie publique. Enfin, selon un article de 2016[4], si les communes en régie publique passaient en privé, elles paieraient plus cher. Par contre, si les communes en privé passaient en régie publique, leurs factures d’eau resteraient sensiblement les mêmes pour les usagers.
Comment expliquer ces disparités de résultats ? D’abord, l’accès à l’eau est plus ou moins difficile dans chaque commune. Aussi, chaque situation est différente (géographie, état du réseau, type et durée de contrat…) et se prête donc mal à des comparaisons. Comme le souligne Alexandre Mayol, tous les économistes n’utilisent pas les données des mêmes communes et ne les analysent pas de la même façon. Enfin, « les régies publiques et le privé n’ont pas les mêmes règles d’amortissement des travaux. La régie amortit sur une durée plus longue que le privé donc cela peut biaiser l’interprétation des résultats ».
Iléo : bilan globalement positif ?
Dans la MEL, le tarif de l’eau augmente chaque année depuis 2019. Il est passé de 1,94 €/m3 en 2019 pour une facture d’eau classique à 2,12 €/m3 en 2023. Interrogée sur cette hausse de prix, la MEL ne nous a pas répondu. Au-delà du prix, pour le précédent contrat (de 2016 à 2024), Iléo répondait aux attentes fixées par la MEL. D’après son rapport annuel de 2020, cette année-là le prestataire avait rempli les objectifs de son contrat pour douze des treize indicateurs. Seul le taux d’impayés des clients était supérieur aux standards attendus. Ce qui peut s’expliquer par la situation spécifique de l’année 2020 avec ses deux confinements. Dans les RAPQ (rapport annuel qualité prix) produit par la MEL en 2021 et 2023, il n’est pas indiqué si Iléo respecte ses objectifs pour les seize indicateurs de « performance eau potable » listés. Questionnée sur d’éventuelles sanctions appliquées du fait de non-respect d’un objectif par Iléo, la MEL ne nous a pas répondus.
Un autre élément du contrat rendrait la MEL « aveugle », selon Gabriel Amard : une spécificité du contrat passé entre la MEL et Iléo. C’est la métropole qui est chargée d’effectuer les travaux d’extension et de modernisation du réseau. Iléo ne gère que la clientèle, la distribution d’eau et les petits travaux comme la réparation d’une canalisation. On parle de contrat « d’affermage performanciel ». Ce mode de fonctionnement a des limites pour Gabriel Amard, « c’est Iléo qui a les yeux et qui connaît l’état du réseau. Autant que les techniciens et ingénieurs soient sous l’autorité de la régie puisque c’est elle qui prend les décisions ». Interrogée sur ce choix d’organisation, la MEL n’a pas répondu à nos questions.
L’eau un « bien commun »
Autre argument contre la gestion privée de l’eau, pour Stéphane Baly, l’eau « n’est pas une marchandise ». Pour lui elle « fait partie des biens essentiels et des services publics sur lesquels on ne doit pas générer de profits ». Comme c’est un bien vital, elle doit être accessible à tous et pour cela être sortie des logiques de marché. Gabriel Amard abonde : « Reprendre l’eau en main permet de mettre en place une tarification différenciée selon les usages » et donc de garantir sa disponibilité. Les premiers mètres cube d’eau seraient moins chers que les suivants.
De son côté, dans un communiqué de presse la MEL revendique déjà consacrer « 1,1 million d’euros au volet social de l’eau ». Elle finance une « tarification sociale » et la distribution de « chèques eau », destinés prioritairement aux allocataires du RSA pour les aider à payer leurs factures.
Pour aller plus loin dans cette notion de bien commun, Gabriel Amard défend le passage en régie comme « une occasion de créer du commun », de « vivre ensemble » et de « s’organiser collectivement » en impliquant les citoyens dans la gestion de l’eau. Comme l’eau appartient à tous, tout le monde (associations environnementales, organisation de consommateurs, syndicats, citoyens et usagers) doit pouvoir avoir son mot à dire sur sa gestion. La régie publique faciliterait cet engagement.
Remunicipalisation : mission impossible ?
Pour le prix, mais aussi pour des raisons démocratiques, Écologistes et insoumis lillois militent pour la remunicipalisation de la gestion de l’eau. Un amendement du groupe écologiste avait été adopté, en 2015, pour que la MEL s’engage à préparer le passage à une régie publique. Stéphane Baly déplore que la majorité métropolitaine « de façon délibérée » n’ait « rien entrepris » en ce sens. Le groupe écologiste est revenu à la charge avec un amendement équivalent lors de la négociation du nouveau contrat. Il n’a, cette fois-ci, pas été adopté. Stéphane Baly reproche même à la MEL d’avoir exclu d’emblée la solution publique à mettre en concurrence avec les prestataires privés dès le début des négociations. Selon lui, « idéologiquement, la MEL veut confier la distribution de l’eau au privé lucratif ». Questionnée sur ces éléments, la métropole n’a pas répondu à nos questions.
Passer à la régie nécessiterait une majorité métropolitaine favorable à ce changement. Pour l’instant, seul le petit groupe écologiste et le maire LFI de Faches-Thumesnil, Patrick Proisy y semble favorable. À l’heure actuelle, le président de la MEL, Damien Castelain, dirige le groupe majoritaire composé en grande partie d’élus de petites communes. Mais pour Stéphane Baly : « Après 2026, le groupe de Castelain n’existera plus. La question de Castelain, c’est la date de son procès en appel ». Et sur les élus des petites communes : « On ne peut pas considérer qu’ils sont d’office contre la régie ».
Le problème est aussi contractuel et juridique. Dans la MEL, le nouveau contrat signé en 2024 court jusqu’en 2034. La remunicipalisation ne pourrait probablement pas être entreprise dès 2026. Sceptique Stéphane Baly admet : « Je pense que nous verrons quelle majorité on arrive à avoir à la MEL ». Le processus « prend du temps. Si c’est adopté lors du mandat prochain, cela ne veut pas dire que ce sera mis en place toute de suite ». D’autant plus qu’un contrat de délégation de service public ne peut pas être cassé si facilement. Dans son livre, Gabriel Amard explique qu’il est possible dans le cadre de révisions quinquennales d’évaluer la « vie du contrat » et de vérifier s’il n’y a pas de distorsions au détriment de l’usager. La rupture peut être envisagée si « les distorsions lèsent considérablement les usagers ». Mais la métropole s’exposerait à des recours juridiques. Les tarifs peuvent aussi être renégociés d’ici-là. Au vu de la date de fin du contrat actuel, la prochaine majorité métropolitaine, dont le mandat finira en 2032 ou 2033, pourra uniquement préparer le passage au public. La remunicipalisation sera donc un sujet pour 2026 mais aussi pour une seconde élection, la suivante.
Vladimir Benlolo
[1] Le Lannier, A., & Porcher, S. (2014). Efficiency in the public and private French water utilities: Prospects for benchmarking. Applied Economics, 46(5), 556–572. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00036846.2013.857002
[2] Carpentier A., Nauges C., Reynaud A. et Thomas A. [2006], « Effets de la délégation sur le prix de l’eau potable en France. Une analyse à partir de la littérature sur les effets de traitement », Économie et prévision, 174, p. 1-19.
[3] Chong E., Huet F., Saussier S. et Steiner F. [2006], « Public Private Partnerships and prices: Evidence from water distribution in France », Review of Industrial Organization, 29 (12), p. 149-169.
[4] Valero, V. (2015). Les écarts de prix de l’eau en France entre les secteurs privé et public. Revue économique, . 66(6), 1045-1066. https://doi.org/10.3917/reco.pr2.0049.